La sélection de cette semaine a été réalisée par Meritxell Tronc, Charles-Emmanuel Arabian, Romain Jacquey, Lucie Caron (Skema BS)
La courbe de Phillips est-elle toujours d’actualité ? [CEPII]
BENSIDOUN Isabelle, GEEROLF François, "On peut rechercher le plein-emploi sans risquer de déclencher une spirale inflationniste", Le Blog du CEPII. Disponible ici.
À la fin des années 1950, l’économiste A.W. Phillips soulignait une relation décroissante entre le taux de chômage et l’inflation des salaires nominaux en Grande-Bretagne entre 1861 et 1913. Selon lui, en période de plein emploi, les entreprises peinent à trouver des employés et augmentent alors les salaires nominaux proposés, lesquels, à l’inverse, diminuent en situation de chômage de masse. Cette relation a été au cœur des politiques keynésiennes et la relation décroissante entre inflation et chômage justifia la quête d’une inflation stable aux dépens d’un taux de chômage élevé. Cependant, selon les auteurs, la fameuse courbe de Phillips était vérifiée en changes fixes, mais n’est plus d’actualité dans les pays où le taux de change est flottant.
Ainsi, depuis une trentaine d’années, les politiques macroéconomiques ne cessent de démontrer les faiblesses de ce modèle théorique : le plein emploi lié à bulle internet de la fin des années 1990 n’a pas conduit à une spirale inflationniste, l’augmentation du taux de chômage causée par la crise des subprimes de 2007-2008 ne s’est pas traduite par de la déflation, tout comme le plan de relance de l’administration Trump n’a créé aucune inflation.
Ainsi, maintenant que la relation inverse entre inflation et chômage n’est plus vérifiée, la recherche du plein-emploi peut être entreprise par une politique budgétaire expansive, sans crainte aucune de surchauffe économique et d’envolée inflationniste. De plus, les investissements publics massifs se réalisent sans effet d’éviction sur l’investissement privé dans la mesure où ces derniers ne sont pas en compétition concernant l’épargne disponible, laquelle est au contraire trop abondante. Dès lors, la politique budgétaire de relance par l’administration Biden a tout d’encourageant pour l’économie nationale.
Ainsi, ce constat amène-t-il les auteurs à une conclusion incisive : « Les Européens, dont le plan de relance n’est toujours pas engagé, gagneraient à être aussi inspirés [que les États-Unis]. Car contrairement au célèbre mot d’ordre de Margaret Thatcher (« There is no alternative », TINA) qui semble toujours loger dans le surmoi européen, des alternatives sont possibles et surtout souhaitables. Sans quoi il ne faudra pas s’étonner que ce manque d’ambition ne se traduise, à nouveau, par un recul des pays européens dans le concert des nations. »
Pour aller plus loin, La lettre du CEPII.
La numérisation est-elle toujours synonyme de croissance ?
ARTUS Patrick, « La digitalisation et la maladie hollandaise », Flash Economie, 29 avril 2021. Disponible ici.
Patrick Artus revient sur les conséquences de la digitalisation sur l’économie sur la croissance. On associe souvent digitalisation et gains de productivité. Cependant, ce phénomène a parfois, sur le long terme, des conséquences néfastes sur la croissance. On attend de la digitalisation de l’économie une hausse de la productivité qui devra ensuite permettre une hausse de la croissance. C’est, par ailleurs, ce qui est en train de se produire actuellement. La crise de la Covid a obligé l’économie à s’adapter en développant le télétravail, la consommation numérique, les moyens de paiements et certains attendent de ces transformations une forte croissance future. Pour autant on peut douter d’un potentiel redressement de l’activité du fait d’un phénomène qu’on appelle la « maladie hollandaise ».
L’auteur détaille ce mécanisme qui repose sur la hausse de revenus des ménages du fait des gains de productivité de la numérisation. Ces derniers orientent la consommation vers le secteur des services, et du fait de cette hausse de la demande le secteur des services attirent de nouveaux facteurs de productions. Or, cette attraction pour le secteur des services entraine un large développement d’emplois souvent peu qualifiés, qui vont, à terme ralentir la croissance de l’économie. L’auteur conclut, en expliquant que paradoxalement, l’investissement massif dans la numérisation visant à dynamiser l’économie aboutit finalement à un affaiblissement de son niveau de gamme. Ainsi donc, il faut rester attentif aux évolutions futures que vont entraîner la digitalisation forcée par la crise de la Covid.
Une sélection des publications de la semaine écoulée
Banque de France
CEZAR Rafael et GRIECO Fabio, « Quel mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour l’UE ? », Bloc-notes Eco de la Banque de France, 28 avril 2021. Disponible ici.
La Finance pour tous
« Les enjeux économiques de la Super Ligue de football », La Finance pour tous, 20 avril 2021. Disponible ici.
France Stratégie
« La régulation du système de santé », France Stratégie, 27 avril 2021. Disponible ici.
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
TARANTINI Clément, « Ethique et responsabilités dans la prévention du risque infectieux », Les carnets de l’EHESS , 29 avril 2021. Disponible ici.
Natixis research
ARTUS Patrick, « Pourquoi les prix des actifs ne suivent pas les fondamentaux », Flash Economie, 30 avril 2021. Disponible ici.